Lire n'est pas un cliché, 2019
L'exercice du portrait est difficile et il devient absolument redoutable quand le thème imposé est le livre.
Appareil en bandoulière, je rends visite aux commerçants du quartier pour réaliser leur portrait. La plupart d'entre eux sont affairés, intimidés par l'objectif, et même agacés par ma présence incongrue dans leur magasin.
Avant de capter l'instant tant convoité, instant où les visages et les corps se livreront, notre collaboration forcée ressemble à une séance de domptage.
Quand la confiance est là, je photographie mes sujets derrière leur zinc, parmi leurs bouquets de roses, aux côtés de leurs oiseaux empaillés, devant leurs bacs de vinyles, dans la lumière tamisée d'une alcôve remplie d'antiquités...
J'obtiens des sourires, parfois de grands éclats de rire, et toujours un regard amical.
L'objectif recherche la complicité entre les employés, la tendresse entre les couples, l'humour de ceux qui jouent le jeu pour la première fois et finissent par y prendre goût.
Puis le temps est venu d'intégrer du texte aux portraits, afin d'honorer ma commande.
Chaque portrait m'évoque un livre, Les Fleurs du Mal, L'Ecume des jours, « Le garçon de café », dont parle Sartre...
Aussi, tous ces extraits surgissent-ils dans l'image à la faveur d'un montage qui me permet d'incruster une lettre, une phrase, un vers, un pan de texte entier, voire la couverture d'un ouvrage, dont je trouve l'élégance digne de rendre hommage à mon modèle.